Bonjour à tous,
Lucien, t'as pas l'impression d'en faire un tout petit, mais alors un tout-tout petit, peu trop avec le "Mozart de l'explication" ???!!!
Ce que j'écris est tout juste du niveau encadrement de travaux dirigé en lycée technique ou en BTS : C'est donc du boulot de Pion.
(Ce n'est pas que je dénigre les enseignants de TD, la plupart de ceux que j'ai eu étaient excellents, et finalement ils m'ont appris plus que les profs en cours magistraux...
D'ailleurs, les NTICS commencent à remplacer certains cours magistraux par des conférences enregistrées téléchargeables, mais ne peuvent pas encore remplacer les TD...)
Bon, ceci étant dit tu poses une très bonne question :
Superpotez a écrit :
Dit moi sachant qu'un son en annule un autre , ne pourrions nous pas croiser nos échappements ou les mettres face à face après les avoir accordés de maniere à voler en silence?
Un son en annulle un autre que dans un cas très particulier, ce qui est général, c'est que comme nous sommes dans les très faibles amplitudes de pressions, nous sommes dans le domaine linéaire, et que les vibration de l'air s'ajoutent sans se modifier les unes les autres.
Si en un point donné (par exemple à l'entrée du conduit auditif de mon oreille droite, j'ajoute un son de même fréquence et amplitude mais de phase opposée au bruit répétitif que j'entendais précédemment, la somme des pressions est (quasi) nulle, et donc je ne perçois plus le bruit par mon oreille droite.
Mais que ce passe-t-il alors au niveau de mon oreille gauche ?
Mon oreille gauche reçoit la somme du bruit initial et du "contre-son" émis pour annuller le bruit au niveau de mon oreille droite.
Bien entendu, , ces deux sons ont bien toujours la même fréquence, mais comme ils proviennent de sources différentes, il y a très peu de chances que l'amplitude soit la même et/ou la phase soit opposée...
Une des solutions est donc d'isoler et de traiter indépendamment les deux oreilles, et c'est bien ce que font les casques "ANR" (pour Active Noise Reduction).
L'idéal consisterait à ce que le bruit initial et le "contre-son" s'annullent en tout point de l'espace. Et il n'y a qu'une solution qui remplisse cette condition :
Il faut que pour chaque source ponctuelle, un "contre-son" soit émis au même point...
Pour l'échappement, qui est une source ponctuelle, on peut y arriver partiellement, mais pour ce qui est du bruit de l'hélice, qui représente la moitié de la puissance acoustique émise par nos petits avions, c'est impossible à réaliser !
Alors concentrons nous sur le cas de l'échappement.
Nous avons vus que le système d'échappement accordé est composées de 4 pipes d'égales longueurs raccordées à un seul tuyau d'échappement.
Le rôle des quatres pipes est d'être le siège d'ondes de pression dont les allers et retours facilitent, au régime de croisière, le vidage le plus complet possible des gaz brulés du cylindre et/ou le minimum de pertes de charges d'échappement apparente.
Pour ce qui est du bruit, l'égale longueur des pipes évite l'apparition d'un bruit de fréquence inférieure à celle de la succession des bouffées de gaz (Voir les messages ci-dessus)
Le dernier bout de tuyau (entre le raccord 4-en-1 et l'air libre) peut être tout simple comme sur l'avion de Damien, ou on peut y rajouter des équipements destinés à atténuer le bruit.
1/ Le pot d'échappement
Au sens le plus basique, le pot d'échappement peut être imaginé comme une grosse sphère creuse aux parois épaisses avec le tuyau issu du moteur qui aboutit au centre, et avec un orifice de même section à la surface de la sphère.
Le volume du pot doit être grand devant la cylindrée unitaire du moteur.
Dans le cas du O-200 à 4 cylindres de Damien, qui fait 3277 cm3, la cylindrée unitaire est de 819 cm3
Si on prend un pot sphérique de volume égal à 10 fois la cylindrée unitaire, cela représente une sphère d'environ 25 cm.
Les ondes de pressions s'écartent du bout du tube et sont réfléchies par les parois du pot. Si l'énergie sonore était entièrement et indéfiniement réfléchies le résultat des réflexions multiples serait que l'énergie acoustique à la surface interne de la sphère ne dépasserait pas 2 fois l'énergie incidente à chaque bouffée d'échappement.
Comme l'orifice de sortie (4cm de diamètre) ne représente que 0,64% de la surface de la sphère, la puissance acoustique qui sort du pot ne dépasse pas 1,28% de celle émise par le bout du tuyau venant du moteur...
Soit une atténuation de presque 19 dB.
Ce pot shérique pose un certain nombre de problèmes :
- les ondes réfléchies retournent au centre où elles crée des surpressions gênantes au voisinage du tuyau venant du moteur.
- la sphère doit être très rigide pour ne pas pulser à la fréquence des surpressions internes et donc rayonner le bruit interne.
- la sphère est lourde : avec une épaisseur d'acier de 4 mm, la masse d'une sphère de 25 cm de diamètre est de plus de 6 kg !
On a donc développé des pots d'échappements dont la géométrie réduit ces inconvénients, mais ils sont toujours assez lourds et souvent à l'origine de pertes de charges qui réduisent l'efficacité énergétique de l'échappement.
2/ Les résonnateurs à lignes à retard
Ce que tu décris dans ta question rejoint l'idée du résonnateur qui consiste à utiliser le bruit contre lui-même.
Contrairement au pot, ceci fonctionne généralement assez bien à la fréquence pour laquelle le système est conçu, et de moins en moins bien au fur à mesure qu'on s'en éloigne.
Une illustration simple à comprendre consiste à placer un tube double entre la sortie du 4-en-1 et l'extérieur.
A la sortie du 4-en-1, on ajoute un 1-en-2 et deux tubes qui se rejoignent en un 2-en-1 juste avant la mise à l'air libre.
Si les deux tubes sont d'égales longueur, le système n'a aucun effet.
Par contre, si un des tubes est plus long que l'autre, la bouffée de gaz qui se sépare au 1-en-2 n'arrive pas en même temps au 2-en-1.
La superposition de la partie retardée de la bouffée et de sa partie non retardée peut, pour la bonne fréquence, diminuer considérablement l'amplitude du bruit émis.
Application au cas du moteur tournant à 2400 T/min :
La fréquence du fondamental issu du 4-en-1 est de 80 Hz, soit une bouffée de gaz tous les 1/80 de seconde.
Pour que la bouffée retardée arrive exactement entre la bouffée non retardée et la bouffée non retardée suivante, il faut que son retard soit de 1/160 de seconde.
La succession des bouffées tous les 1/80 de seconde est transformée par un flux moyen sur lequel se superpose une ondulation de fréquence 1/160 de seconde.
En supposant que la vitesse du son dans les fumées est du même ordre de grandeur que dans l'air froid, 340 m/s, et en négligeant la vitesse moyenne des gaz dans les tubes, la différence de longueur entre les deux tubes doit être de :
340/160 = 2,125 m
Ce surplus de longueur peut être constitué d'une couronne de 2 tours de diamètre moyen 338 mm ou de 3 tours de diamètre moyen 225 mm.
Le fondamental originel 80 Hz du bruit émis disparait presque complètement (le flux retardé parcourant un chemin plus long a tendance à perdre un peu d'amplitude...)
L'harmonique 2 (160 Hz) devient le nouveau fondamental, et avec une amplitude nettement inférieure à celle de l'ancien fondamental de 80 Hz
On peut remarquer que ce système ne réduit en rien la composante originelle de 160 Hz puisque le retard correspond à une période : la somme a toujours la même amplitude.
Ceci est également vrai pour toutes les autres harmoniques paires (320 Hz, 480 Hz, 640 Hz...) puisque le retard correspond à un nombre entier de périodes.
Par contre, pour toutes les harmoniques impaires (240 Hz, 400 Hz, 560 Hz...) le retard correspond à un nombre demi-entier de périodes 3/2, 5/2, 7/2 ...
L'onde retardée arrive donc en opposition de phase avec l'onde directe, et est atténuée. On arrive donc au résultat suivant :
80 Hz : atténué (fondamental)
160 Hz : Première composante non atténuée
240 Hz : atténué (harmonique 3)
320 Hz : Deuxième composante non atténuée
400 Hz : atténué (harmonique 5)
480 Hz : Troisième composante non atténuée
560 Hz : atténué (harmonique 7)
640 Hz : Quatrième composante non atténuée
720 Hz : atténué (harmonique 9)
800 Hz : Cinquième composante non atténuée
880 Hz : atténué (harmonique 11)
960 Hz : Sixième composante non atténuée
et ainsi de suite
Le bruit résultant à un fondamental de 160 Hz et des harmoniques (320 Hz, 480 Hz 640 Hz, 800 Hz, 960 Hz, etc)
C'est un son plus aigu (comme celui d'un moteur tournant à 4800 T/min) et d'amplitude réduite... Alors pourquoi s'arrêter en si bon chemin ?
Si on ajoute une deuxième ligne retardée (un 1-en-2 juste après le premier 2-en-1 et deux tubes qui se rejoignent en un 2-en-1 juste avant la mise à l'air libre.)de longueur moitié de la précédente (1,062 m), et donc accordée sur 160 Hz
Ce surplus de longueur peut être constitué d'une couronne de 1 tour de diamètre moyen 338 mm ou de 2 tours de diamètre moyen 169 mm.
Cette fois-ci ce sont les composantes de 160 Hz et leurs harmoniques impaires qui sont atténuées on arrive donc au résultat suivant :
160 Hz : atténué par le retard 2 (fondamental)
320 Hz : Première composante non atténuée
480 Hz : atténué par le retard 2 (harmonique 3)
640 Hz : Deuxième composante non atténuée
800 Hz : atténué par le retard 2 (harmonique 5)
960 Hz : Troisième composante non atténuée
et ainsi de suite
Le bruit résultant à un fondamental de 320 Hz et des harmoniques (640 Hz, 960 Hz, etc)
C'est un son beaucoup plus aigu (comme celui d'un moteur tournant à 9600 T/min, ou même une turbine) et d'amplitude réduite qui ne se propage pas loin...
Ce bruit résiduel de haute fréquence peut également être atténué par un pot de volume réduit.
Pour des régimes différents du régime d'accord, l'atténuation est très médiocre.
Cette technique est donc remarquablement efficace pour un moteur à régime constant, mais serait sans intérêt pour un moteur au régime variable comme celui d'une voiture.
La longueur de tuyau nécessaire pour réaliser un tel système est au moins :
2,125 m pour la première ligne à retard + 1,062 m pour la seconde ligne à retard + 2 raccords 2-en-1 + 2 raccords 1-en-2 + environ 1 m de tubes courts et pour la sortie à l'extérieur.
Cela représente 5 à 7 kg avec du tube ordinaire, et peut-être la moitié avec de l'Inco 718.
3/ Solution à tubes fermés
Si on envoie une onde de pression dans un tube fermé à l'autre extrémité, elle va se propager jusqu'à son extrémité fermée où elle est réfléchie, et revenir jusqu'à son point de départ.
Logiquement le temps pour parcourir cet aller-retour est double que pour parcourir l'aller simple.
Autrement dit, pour retarder une onde de pression de 1/160 de seconde, il ne faut plus 2,125 m de tuyau, mais seulement la moitié.
Le raisonnement est le même pour un retard de 1/320 de seconde.
Le raccordement se fait entre 3 tubes :
- Le tube provenant du moteur (amont),
- Le tube fermé,
- Le tube partant vers l'extérieur (aval)
Pour remplir pleinement son rôle, le système doit avoir les caractéristiques suivantes :
La partie de bouffée qui transite directement du tube amont vers le tube aval doit avoir la même amplitude que celle qui transite directement du tube fermé vers le tube aval.
La partie de bouffée qui retourne vers le tube amont doit être la plus faible possible.
On arrive donc à un raccord en T avec le tube fermé aligné avec le tube aval, le tube amont (éventuellement de section plus faible que les deux autres au niveau du raccord) faisant un angle obtus avec le tube fermé.
(Voir Figures)
On peut reprendre l'idée de deux résonnateurs successifs accordés à 80 Hz et 160 Hz.
Comme, avec les tubes fermés, il y a une réflexion partielle de la bouffée dans le tube amont, il est intéressant que celui-ci ait la longueur adéquate pour jouer également un rôle déphaseur le plus proche de 0 ou 360°.
Bons Vols
Philippe Dejean