Aile du Béryl

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Richard78
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Aile du Béryl

Message par Richard78 »

Question de béotien, l’aile du Béryl semble semi-elliptique, un peu comme celle du Spit ou plus simplement du Cap 10 (logique).
Quelles sont les qualités de vol qui en découlent.
Sinon, certains Béryl ont un apex d’aile d’autres non, est-il utilisé pour une capacité en carburant supplémentaire ou pour l’amélioration de certaines qualités de vol.

Merci et bons futurs vols.
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Philippe Dejean
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Re: Aile du Béryl

Message par Philippe Dejean »

Bonjour Richard,

Parmi les avions conçus et construits par Claude Piel, il y a 5 exceptions :
- Le CP10 Pinocchio et le CP150 Onyx qui sont inspirés de la formule Mignet,
- CP40 Donald qui est un "Piper Cub monoplace en bois", avec peut-être une certaine filiation avec le Boisavia B60 Mercurey auquel Claude Piel a contribué,
- Le CP1320 Saphir et son descendant monoplace CP80 qui ont des ailes trapézoïdales.

Tous les autres avions de Claude Piel descendent de son monoplace CP20 Pinocchio1 et ont en commun une forme d'aile semi-elliptique, qui se retrouve aussi sur les descendants du CP100 (alias CAP10A), à savoir les CAP10 B, BK, C et le CAP20.

Le principe de l'aile elliptique (ou en l’occurrence ici, semi-elliptique), c'est de traduire au mieux en plan la répartition optimale de la portance sur l'envergure, qui est elliptique. Cela suppose que la portance par unité de surface est constante pour toute section longitudinale de l'aile, ce qui implique un vrillage nul.

Les avions les plus réussis basés sur ce principe sont Le Heinkel 70, le formidable Heinkel He 119 V4, et le plus célèbre, le Spitfire.
Comme le profil de l'aile est partout identique et à la même incidence, le comportement au décrochage est théoriquement très brutal puisque toute l'aile décroche en même temps. L'expérience prouve que c'est souvent vrai, mais pas toujours.

Pour palier à un comportement jugé trop brutal au décrochage, il y a plusieurs parades :
- La première consiste à remettre du vrillage négatif. Cela fonctionne, mais la répartition de portance n'est plus elliptique et ça n'a plus de sens de faire une aile aussi compliquée à construire... Il est beaucoup plus simple de faire une aile trapézoïdale (Saphir) ou semi-trapézoïdale (Jodels).
- La seconde consiste plus simplement à rogner les saumons de l'aile elliptique. A faible incidence, l'effet est négligeable et l'aile est toujours aussi efficace, par contre à l'approche du décrochage, l'influence les tourbillons marginaux alimentent l'extrados des ailerons et adoucissent le décrochage.

L'aile "Piel" est semi elliptique, avec une partie centrale rectangulaire. C'est plus facile à construire qu'une aile purement elliptique, mais l'apparence reste très semblable.
Sauf sur certaines Émeraude de construction industrielle, les saumons sont rognés, ce qui suffit à assurer un comportement correct au décrochage.
Les "ailes Piel" sont souvent vrillées sur les plans, mais ensuite Claude Piel conseillait aux constructeurs suivants de supprimer le vrillage. Les "ailes Piel" non vrillées se comportent très bien (et ont naturellement un meilleur rendement, à condition de réduire d'un à 2 degrés l'angle de calage, sinon l'avion vole trop "queue haute", ce qui induit un excédent de trainée sous l'arrière fuselage.

Les apex sont un tout autre sujet.
Ce bout de voilure en forte flèche se comporte à forte incidence comme une "mini aile delta", avec notamment des tourbillons à l'extrados qui retardent un peu le décrochage de l'aile près du fuselage (effet inverse à ce qui est recherché par le vrillage !), mais qui sont surtout sensés améliorer l'alimentation en air de l'empennage.

Sur le Saphir, l'apex (très petit) sert surtout à loger la roue rétractée.

Sur d'autres avions Piel, comme le Super Diamant et le Béryl, les apex sont des réservoirs supplémentaires d'environ 45 litres chacun.
En tant que réservoirs, ils sont bien placés en termes de centrage, facile d’accès pour le remplissage. Par contre ils sont très près du fuselage et en cas de crash, la paroi vers le fuselage peut se déchirer et ils ne sont finalement guère plus sécurisants que le réservoir principal.

Un inconvénient des réservoirs d'apex c'est qu'ils interrompent le caisson de torsion formé par le longeron, le bord d'attaque et le coffrage. Dans la zone des réservoirs d'apex les efforts de torsion doivent être repris par le caisson arrière formé par le longeron le longeronnet et le coffrage (qui est complet dans cette zone, ce n'est pas par hasard)
La transmission des efforts du caisson avant vers le caisson arrière se fait dans une zone où il y a aussi les attaches du train principal (je ne parle pas du cas du Super diamant à train escamotable où le coffrage d'intrados du caisson arrière est largement ouvert pour faire passer la roue...)
Il n'est pas rare de trouver des fissures dans la peinture dans cette zone, et les éventuelles fuites d'essence ou des débordements lors du remplissage n'arrangent rien.

Pour moi, (ce n'est que mon avis, et il n'engage que moi). Si j'avais à construire un avion Piel :

- Je ne mettrais pas de réservoirs d'Apex, ce qui me permettrait de conserver le caisson de bord d'attaque jusqu'à l'emplanture, et donc de faire passer les contraintes de torsion de l'aile au caisson arrière sur une zone de coffrage beaucoup plus large.

- Je limiterai le volume du réservoir principal au-dessus des jambes du pilote à la moitié ou même moins, mais sans descendre en dessous de 45 minutes de consommation de croisière du moteur (sécurité gravitaire en cas de perte des pompes à essence.)

- Je rajouterai des réservoirs dans le caisson de torsion avant, en laissant vide l'inter-nervures la plus proche du fuselage, avec des tuyauteries en lyre pour qu’elles ne se rompent pas en cas de crash. Ces réservoirs pourraient s'étendre si besoin jusqu'à limite de la partie rectangulaire de l'aile, ce qui représente déjà un volume largement suffisant pour reconstituer la capacité totale des réservoirs actuels (180 litres environ).

- Le remplissage de ces réservoirs d'aile serait effectué par transfert gravitaire depuis le réservoir principal à l'aide de robinets ad hoc. L’absence de bouchon de remplissage permettrait de ne pas faire de trous dans le CTP du caisson de torsion et d'éviter de faire couler de l'essence dessus.

- Sur un avion avec des passagers à l’arrière, comme le Super-Diamant, il serait également possible des placer des réservoirs entre le longeron et le longeronnet sur le même principe pour éviter que le centrage ne soit trop en avant quand la banquette est vide… Dans ce cas une pompe de transfert vers le réservoir principal de fuselage est indispensable pour vider les réservoirs arrière avant de prendre des passagers sur la banquette arrière.

J'espère que ça répond à ta question.

Bons Vols

Philippe Dejean
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Richard78
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Re: Aile du Béryl

Message par Richard78 »

Merci Philippe pour ces explications parfaitement claires.
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