Grill électrique ou hybride

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Philippe Dejean
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Grill électrique ou hybride

Message par Philippe Dejean »

Bonjour à tous,

Avec les beaux jours, on repense à sortir de quoi faire des grillades... Et quand in ne veut pas s'embêter avec le feu, le grill électrique est bien un peu petit, mais pratique... Mais ce n'est pas mon propos !

En rentrant chez moi hier soir, j’ai trouvé Aviasport dans ma boite au lettres... Et je l'ai lu avant de dormir.

Parmi bien d'autres articles intéressants, je suis tombé sur un qui était intitulé :
"Attention haute tension !"

En tant qu’Électricien à EDF, la haute tension proprement dite, je connais pas mal, et je me demandais de quoi il était question parce que la haute tension (plus de 1000 Volts en alternatif et plus de 1500 volts en continu) il n'y en a pas beaucoup dans nos avions...

Oh bien sur, il y a le circuit d'allumage et éventuellement une antique radio à lampes ou la rencontre avec une ligne haute tension ou encore la foudre... mais bon, de là à considérer la haute tension comme un risque notable, bof !


Et puis la lecture de l’article a dissipé mes doutes: il ne s'agissait pas de haute mais de basse tension dans les avions électriques. Plusieurs ont été détruits par incendie récemment (alors qu'ils ne sont vraiment pas nombreux) !

Dans un circuit électrique à batterie, le plus gros problème vient de la puissance de court-circuit.

La puissance de court-circuit est définie comme la tension nominale de la batterie multipliée par le courant parcouru par un court-circuit de résistance nulle aux bornes de la batterie.
Si on prend une bête batterie au plomb de voiture 12V 30Ah, soit une capacité 0,36 kWh, le courant de court-circuit est entre 600 et 1000 Ampères. La puissance de court-circuit est donc de l'ordre de 10 kW .
On montre que la puissance maximale réellement dissipée sous forme de chaleur dans un défaut extérieur est la moitié de la puissance de court-circuit calculée ci-dessus, soit 5000 watts dans notre exemple. Dans ce cas, 5000 autres watts sont dissipés à l'intérieur même de la batterie... En cas de court-circuit franc (c'est à dire de résistance nulle) aux bornes de la batterie, c'est toute la puissance de court-circuit, soit 10.000 watts qui est dissipé à l'intérieur. C'est assez pour faire chauffer très rapidement l'acide d'une batterie au plomb de voiture, et la faire exploser plus ou moins brutalement !...

La seule protection contre un court-circuit externe, c'est de placer un fusible rapide qui va fondre et couper le circuit avant que l'énergie dissipée dans la batterie ne soit trop importante :
5.000 Watts x 500 millisecondes = 2.500 Joules (de quoi chauffer un verre d'eau de 5°C)

En cas de court-circuit interne, par contre, cette parade ne fonctionne pas. L'énergie dissipée est, dans notre exemple, de 10.000 joules (de quoi chauffer un verre d'eau de 20°C) chaque seconde.
Si le défaut était réparti dans tout le volume de la batterie , il faudrait près d'une minute pour qu'elle atteigne sa température d'ébullition, mais ce n'est pas le cas, le défaut est localisé, le dégagement de gaz (hydrogène + oxygène en mélange stœchiométrique + vapeur d'eau) est quasi instantané et dès qu'une bulle de gaz apparait, elle est allumée par le point chaud du défaut : la rupture de la cuve de la batterie et l'écoulement d’acide chaud peut survenir au bout de la première seconde !

Si les batteries au plomb de nos voitures sont plutôt bonasses, ce n'est pas le cas des batteries Lithium/Ion dont la stabilité n'est pas à toute épreuve, et leur puissance massique et énergie massique sont beaucoup plus élevées.

Prenons une des deux batteries du Watt'sUp : pour 60 kg,17kWh, soit 61 Mégajoules (de quoi porter à ébullition plus de 150 litres d'eau à 10°C - on est loin de notre verre d'eau de l'exemple précédent - ou en cas d'explosion, l'équivalent de deux kilos d'explosif)
Au moindre défaut localisé, l'élément concerné brûle et comme le lithium brûle à l'air et dans l'eau (comme le sodium)... C'est tout l'avion, voire tout le hangar qui brûle !

Bien sûr, les constructeurs de batteries ne cessent de faire des progrès et les ordinateurs portables ne prennent pratiquement plus feu spontanément...
On peut donc espérer que les batteries des avions soient de plus en plus sûres... En usage normal.

Mais en cas de crash, où même en cas d'atterrissages durs répétés, arriveront-ils à rendre la batterie inoffensive ?

Dans le cas d'un avion à moteur thermique, l'incendie apparait quand le carburant se répand jusqu'à un pont chaud (pot d'échappement)... Ce qui prend du temps : s'il ne sont pas trop sonnés les passagers on généralement le temps de sortir, d'autant que souvent, l'avion ne brûle pas.

Pour un avion électrique, le démarrage de l'incendie risque d'être quasiment instantané...

Alors si l'énergie calorifique de 100 litres d'essence représentent plus de 50 fois celle d'une batteries de WATT'sUP, je serais nettement plus à l'aise de me poser dans un champ avec un avion à moteur thermique qu’avec un avion électrique...

Mais le pire n'est pas l'avion électrique, c'est l'hybride : Le pétrole plus le gros briquet !

Quand je pense à la liste des objet qu’on a pas droit de mettre dans sa valise de soute quand on prend l'avion de ligne,
quand je pense à toutes les difficultés rencontrées par ceux qui voulaient faire tourner les moteurs d'avions au gaz,
je ne vois tout simplement pas comment un avion hybride pourrait être certifié un jour...

(Mais bien sûr, je peux me tromper !)

Bons vols

Philippe Dejean
Les fourmis sont des guêpes comme les autres !
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Jean-Luc Coulon
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Re: Grill électrique ou hybride

Message par Jean-Luc Coulon »

Je déterre ce sujet.
Le problème des batteries à base Lithium est leur instabilité en température.
L’échauffement peut provenir d’une surcharge (là, c’est un mot qu’il est délicat d’utiliser avec une batterie, on pourrait confondre ça avec les cycles de charge/décharge), donc d’un courant débité trop important par rapport à la constitution de la batterie.
La réaction immédiate de la batterie est un emballement thermique avec dégazage.
Le problème peut aussi se produire lors de la charge et de la décharge. Lorsqu’on charge trop la batterie (qu’on lui injecte une quantité d’électricité supérieure à celle qu’elle peut accumuler) ou qu’on la décharge trop.

Pour éviter tous ces problèmes, les batteries qui équipent nos appareils High-Tech bien aimés sont dotées d’un ensemble de conte-mesures :boxing:
1 - La charge et la décharge sont contrôlés en permanence par l’appareil lui-même et sont très "conservatrices" : on ne charge pas la batterie à son maximum et on la déclare "vide" bien avant que ce ne soit le cas ;
2 - La batterie est dotée d’évents de dégazage (c’est le cas de beaucoup de batteries amovibles d’appareils photos numériques), cela se trouve sous la forme d’une petite membrane en élastomère ;
3 - La batterie, en interne, comporte des thermo-fusibles (d’accord ils sont tous "thermo", mais ceux-ci réagissent à la fois à une surintensité et à une température trop élevée).

Remarque : en ce qui concerne les appareils mobiles, le problème provient souvent des batteries non remplaçables. Elles se trouvent dans une pochette souple, sans boîtier de protection. Et cette pochette vit sa vie avec le fonctionnement de la batterie. Elle gonfle (un peu), se dégonfle au rythme des appels de courant. La tendance étant de faire des appareil de plus en plus minces, les batteries (comme autrefois les réservoirs des voitures [1]) trouvent la place... qui reste. Mais il faut les refroidir et donc calculer leur équilibre thermique en régime continu. Il y a donc une lame d’air entre la batterie et la coque. Et cette lame d’air permet l’évacuation de la chaleur par la coque elle-même. Comme on ne maîtrise pas l’environnement de la coque (housse, main, couette, poche, vide-poche de voiture), on fait des supposition sur le "pire cas". Mais la souplesse de l’enveloppe de la batterie n’est pas toujours bien maîtrisées et lorsqu’on arrive dans les épaisseurs actuelles des appareils, les tolérances de fabrication sont vite atteintes.

Pour en revenir aux batteries utilisables dans un monde industriel ou embarqué, Saft avait développé une batterie industrielle dont la protection était intrinsèque. Chaque "plaque" était disposée dans une pochette en nylon (je ne me souviens plus de la matière exacte) au travers de laquelle se font les réactions électrochimiques. Lors d’un échauffement important, le nylon fond et les mailles se soudent ce qui isole l’élément et bloque le fonctionnement de la batterie… et la détruit par la même occasion. Mais cela vaut mieux qu’un incendie.

Si l’on s’intéresse à la propulsion, la capacité massique des batteries Lithium les rend obligatoires. Mais si on ne s’intéresse qu’au fonctionnement des électroniques peu gourmandes, les batteries au Nickel ont probablement encore des choses à dire en matière, justement, de sécurité. On peut d’ailleurs, pour ce type d’application, concevoir des batteries (qu’elles soient au Nickel ou au Lithium) dont la résistance interne intrinsèque (hors connexion inter-éléments) soit suffisamment importante pour que le courant de court-circuit soit d’une valeur maîtrisable par des systèmes de protection fusibles.

[1] Réservoir des voitures. Lorsque j’étais jeune, je bossais chez Peugeot pendant mes vacances et j’ai eu l’occasion d’assembler des réservoirs (soudure électrique au galet) de break 504 qui avaient des formes de "haricot". Ils concevaient vraiment le réservoir, logé alors sous la voiture sans protection, "autour" de ce qui se trouvait par là. Et anecdote, l’usine se trouvant à Sochaux et le siège de Peugeot à Paris, le calcul de la capacité du dit réservoir devait pouvoir emmener la voiture en question de l’usine jusqu’à Paris.
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