250 kt en CNRA ?

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Philippe Dejean
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250 kt en CNRA ?

Message par Philippe Dejean »

Bonjour,

A quelle vitesse avons-nous le droit de voler ?

Bien sûr, ça dépend du type d'appareil, qui a une VNE, et pour peu que l'air soit agité, nous devons voler nettement plus lentement encore...

Mais même si nous disposions d'un avion supersonique, dans les basses couches qui sont les notres nous n'aurions pas le droit de dépasser 250 kt.

250 kt, ça fait quoi au fait ?

250 kt = 128,6 m/s = 463 km/h

C'est beaucoup plus rapide que le plus véloce des avions PIEL, mais c'est nettement plus lent que les avions qui concourent à Reno en classe "unlimited"

Alors on peut se poser la question : est-il possible de faire un avion capable de voler à 250 kt en croisière tout en respectant les clauses du CNRA ?

Voler vite implique que la Vitesse de croisière soit très supérieure à la vitesse d'atterrissage, qui elle-même est proportionnelle à la vitesse de décrochage.

La portance de l'aile est toujours proportionnelle à la Surface alaire multipliée par le Cz et par le carré de la vitesse indiquée.
La traînée de l'aile est toujours proportionnelle à la Surface alaire multipliée par le Cx et par le carré de la vitesse indiquée.

Pour se poser lentement il faut une grande surface d'aile qui a un fort Cz,
Pour voler vite le Cz peut être très faible, mais il faut une aile qui traîne peu, c'est à dire de faible surface et avec un faible Cx.

Faire varier la surface de l'aile n'est pas possible, on ne peut que travailler que sur le Cx et le Cz.
Pour augmenter le Cz quand c'est nécessaire, on utilise un dispositif hypersustentateur : Volets, becs...

Pour diminuer le Cx en croisière, on rentre les becs et les volets, (on peut même braquer légèrement ces derniers en négatif avec certains profils laminaires)

La FAR 23 spécifie que la vitesse de décrochage ne doit pas être supérieure à 61 kt. (113 km/h, ce qui donne une vitesse d'approche entre 145 et 150 km/h)
Le CNRA ne spécifie pas une telle limite, mais même avec un moteur très puissant, on ne peut pas trop augmenter la vitesse de décrochage et satisfaire le décollage et le passage des 15 m en moins de 600 m.

Le MC100 est une référence de compromis distance de décollage-performance en croisière.
Son SCx en croisière est de 0,14 m²
A titre de comparaison, le SCx d'un racer F1 est de l'ordre de 0,1 m² (les meilleurs étant autour de 0,08 m²) et nos avions légers ont des SCx compris entre 0,25 m² pour les meilleurs et 0,4 m², voire plus.

Supposons que notre avion ait également un SCx de 0,14 m² en croisière.
Pour voler à 250 kt à 8000 ft avec une hélice optimisée (rendement 85%) il faudrait 225 HP, soit un moteur de 300 HP à 75%. (Lycoming O-540)
Pour voler à 250 kt au niveau de la mer avec la même hélice, il faudrait 288 HP, soit le même moteur de 300 HP presque pleins gaz.

S'il s'agit d'un monoplace aussi fin qu'un racer F1 (SCx de 0,1 m²)
Pour voler à 250 kt à 8500 ft avec une hélice optimisée (rendement 85%) il faudrait 158 HP, soit un moteur de 210 HP à 75%. (Continental IO-360)
Pour voler à 250 kt au niveau de la mer avec la même hélice, il faudrait 205,5 HP, soit le même moteur de 210 HP presque pleins gaz.

Le plus gros moteur a piston disponible, qui fait 420 HP, entraînerait à 250 kt un avion dont le SCx ne dépasserait pas 0,19 m² (à titre de comparaison, le Saphir est au mieux à 0,25 m²)
On voit que pour aller vite, l'aérodynamique est bien plus importante que la puissance, (même s'il en faut !)

On a jamais monté des moteurs aussi puissants sur des avions en CNRA, si on exclut les avions qui ont obtenus des dérogations ?

C'est vrai, mais la réglementation CNRA a changé en 2005 (et 2008).
Depuis 1963, la limitation était de 3500 cm3 pour les monoplaces et 7000 cm3 pour les multiplaces.
Cela se traduisait en pratique par les 100 HP du O-200 pour les monoplaces et les 180 HP du Lycoming O-360 pour les multiplaces.
Certains arrivaient à monter des moteurs de 200 HP (Lycoming IO-360), 210 HP (Continental IO-360) ou même 240 HP (Potez 6D), mais au delà il fallait une dérogation.

Avec d'une part les besoins spécifiques de la voltige, et d'autre part l'arrivée de moteurs automobiles nettement plus puissants (6 cylindres de 3 litres et V8 de 6,7 litres notamment) qui auraient largement malmené l'esprit du CNRA, la réglementation a évolué.
- Pour les avions, il n'y a plus de distinctions entre les monoplaces et les multiplaces.
- Pour les avions de puissance supérieure à 150 kW (200 HP), le nombre de places est limité à 2, et le dossier de calcul doit comporter des informations complémentaires.

Comme pour notre projet d'avion volant à 250 kt un tri ou quadriplace ne pourrait pas avoir un SCx suffisamment réduit pour se contenter de 150 kW, la limitation à deux place pour le déplafonnement de la puissance n'est pas un problème.

La réglementation du CNRA n'empèche donc pas de faire un avion capable d'aller taquiner la limite des 250 kt.

Bons Vols

Philippe Dejean
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cp1315
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Re: 250 kt en CNRA ?

Message par cp1315 »

Salut Philippe.

Tu dis que faire varier la surface alaire n'est pas possible, et pourquoi pas ?

Il existe des volets qui augmente la courbure, ne pourrions nous pas imaginer une aile extensible qui soit logée dans l'aile principale, à haute vitesse elle reste dedans, à faible vitesse, elle sort à chaque extrémité pour en augmenter la surface ?

Non ? :brevet:
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Philippe Dejean
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Re: 250 kt en CNRA ?

Message par Philippe Dejean »

Bonsoir Laurent,

Bien sûr on peut tout imaginer, et depuis plus d'un siècle que l'aviation existe, on ne s'en est pas privé.

Rétracter la partie externe d'une aile de grande envergure dans sa partie proche de l'emplanture est effectivement une idée intéressante, mais elle pose un certain nombre de problèmes :
- comment faire cohabiter le longeron de la partie proche de l'emplanture et le tronçon d'aile rétracté ?
- comment et où placer les ailerons ?
- comment assurer le fonctionnement de la commande d'ailerons, y compris dans les phases de transition ?
- comment placer les volets tout en assurant la rétractation de la partie de l'aile externe ?

La géométrie variable des avions supersoniques n'est déjà pas simple alors qu'il ne s'agit que de faire varier la flèche !...

La rétractation de la partie externe de l'aile serait déjà compliquée avec une aile à profil épais et sans volets, mais dans le cas d'une aile hypersustentée, je ne vois vraiment pas comment y arriver.

L'autre raison pour laquelle on ne le fait pas, c'est qu'on ne peut réduire la surface que de moins de la moitié, du moins si on ne fait pas d'emboitements multiples.

Aérodynamiquement, réduire l'envergure fait augmenter la charge divisée par l'envergure, c'est à dire la traînée due aux tourbillons marginaux...

Il est plus intéressant de mettre des hypersustentateurs (volets à fentes et à recul), sur une aile la plus réduite possible, et de les rentrer pour la croisière. Le gain de trainée est plus important et le longeron reste solide au moindre coût massique.

Bons Vols

Philippe Dejean
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Philippe Dejean
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Re: 250 kt en CNRA ?

Message par Philippe Dejean »

Bonjour à tous,

Dans le premier post, j'ai fais une petite erreur en écrivant que nous étions limités à 250 kt...

Effectivement, la réglementation dit :

"Dans les espaces aériens de classe C, D, E, F, G la limitation de vitesse en dessous du FL100 est de 250 kt IAS.
La réglementation OACI n'impose pas de restriction de vitesse en dessous du FL100 dans les classes A et B, mais en France, la réglementation nationale impose en classe A et B une restriction de vitesse de 250 kt IAS en dessous du FL100."

...sauf que même sans oxygène, nous avons le droit de monter jusqu'au FL125 :yop: et donc de dépasser les 250 kt IAS

Et comme les avions CNRA sont limités à 150 kW, sauf les mono et biplaces...

Damien, ça se pourrait un turbomoteur PUISSANT (400 HP) qui consomme presque rien autour du niveau 120/125 ?

Bons Vols

Philippe Dejean
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Philippe Dejean
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Re: 250 kt en CNRA ?

Message par Philippe Dejean »

Bonjour à tous,

250 kt IAS, ça correspond à quoi, au juste ?

Pour ceux dont le « Badin » est gradué en km/h, le nœud c’est un truc de pro… de marin… ou de frimeur !
Pour ceux dont le « Badin » est gradué en « kt », 250 c’est un truc de pro… ou un cauchemar d’ailes arrachées en piqué par une vitesse très loin au dessus de la VNE.
Et pour la plupart d’entre nous, IAS et TAS sont deux notions de vitesses assez floues et dont la distinction ne nous concerne pas vraiment.

Commençons par cette fameuse IAS (Indicated Air Speed).

C’est tout simplement la vitesse lue sur le badin. (Y avait vraiment pas de quoi en faire tout un plat !)
Sauf que la grandeur physique qui est présentée par le Badin sous forme d’une vitesse air est en fait la pression dynamique (différence entre les pressions totale et statique) prise au niveau de la sonde de Pitot. Et si la pression dynamique dépend bien de la vitesse de l’avion dans l’air, elle dépend aussi de la densité de cet air. Autrement dit, la vitesse lue sur le badin n’est juste que pour une seule valeur de densité de l’air, et que cette densité varie, entre autres, avec l’altitude !

Dans notre vie de pilote qui vole lentement et bas, l’erreur de lecture de vitesse est négligeable. Et puis la vitesse indiquée est bien pratique car elle nous simplifie la vie. En effet, les effets aérodynamiques (portance, trainée, etc.) dépendent de la vitesse et de la densité de l’air de la même manière que la pression dynamique. Autrement dit, à masse égale, la vitesse de décrochage lue sur le badin ne varie pas avec l’altitude ou la température !

Mais si on veut voler vite avec une puissance donnée, on a intérêt à se mouvoir dans un air le plus ténu possible, c'est-à-dire à une altitude élevée ou la densité de l’air est faible. Sauf que si la densité de l’air est faible, la vitesse lue (IAS) diffère de la vitesse réelle (TAS = True Air Speed).

Dans le tableau suivant, la première colonne donne le niveau de vol, la deuxième l’altitude en mètres, la troisième la densité de l’air correspondante pour l’atmosphère standard, et la quatrième le rapport entre TAS et IAS. Il vaut bien évidement 1 au niveau du sol, mais il augmente avec l’altitude.

Donc, nous pouvons calculer à quelle vitesse vraie (en km/h) correspond 250 kt IAS en fonction de l’altitude, et c’est l’objet de la cinquième colonne. On voit que ça correspond à 463 km/h au niveau du sol, 500 km/h à 5000 pieds et 540 km/h au niveau 100.

Vitesses qui nous sont inaccessibles ?

Voyons plutôt (sixième colonne) quelle serait la puissance du moteur capable de propulser un monoplace ayant la trainée d’un Racer F1 (SCx = 0,1 m²) en croisière à 75% à 250 kt IAS. On voit qu’un Lycoming IO-540 de 350 HP serait suffisant.
La consommation horaire (septième colonne) est forcément très supérieure à celle de nos petits avions, mais pas la consommation ramenée à la distance parcourue (huitième colonne), qui est comparable à celle d’un DR300… on peut remarquer qu’à vitesse indiquée constante, la trainée est indépendante de l’altitude, et l’énergie consommée sur le trajet qui compense le travail consommée par cette trainée est constante…

Refaisons le calcul pour un biplace ayant le coefficient de trainée d’un MC100 Ban-bi (biplace) ou d’un White-Lightning (quadriplace) soit un SCx de 0,14 m². C’est un moteur de presque 500 HP qu’il faudrait (Un turbomoteur en cycle régénératif ?)
Sur la base de la consommation spécifique d’un moteur à essence aéronautique, on arrive à une consommation sur la distance de 18 litres aux 100 km, comparable à celle d’un Rallye Commodore (MS893), mais pour voler deux fois et demie plus vite !

On voit qu’on est là à l’extrême limite de ce que permet le CNRA, mais à mon humble avis, les 250 kt ne nous sont pas inaccessibles. Bien entendu, comme dans la chanson d’Henri Salvador, certains préférerons la marche à pieds…

Bons Vols
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FAUVET Damien
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Re: 250 kt en CNRA ?

Message par FAUVET Damien »

Salut Philippe,

Cela dépend de ce que tu entends par « rien ». Si c’est moins qu’un moteur à piston, oui, c’est techniquement possible avec un cycle ICR (InterCooled Regenerative) : un turboprop avec un compresseur à 2 étages + intercooler entre ces 2 étages + échangeur régénératif comme mon projet.
Deux bénéfices :
- l’intercooler permet de récupérer une partie de la puissance perdue par l’échauffement de compression du 1er étage
- l’air, en sortie de compresseur, est plus froid et permet d’augmenter le rendement de l’échangeur thermique.

De plus, l’air en altitude étant très froid, les intercoolers seront très efficaces.

Ford a développé un tel moteur, avec intercoolers à courant forcé (ventilateur) et échangeur rotatif à convection forcée, pour des applications automobiles (voir photo 1).

Le concept a été repris par le département des transports Américain (photo 2) pour réaliser une étude sur un turboprop de 250 ch pour avion léger 6 places.
Le résultat de cette étude donne :
- une Cs de 0,153 g/kWh @ Mach 0,45 et 25 000 ft
- une Cs de 0,210 g/kWh @ seal level / static

Ce qui est valable pour 250ch l’est aussi pour 400ch…

A+…
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Philippe Dejean
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Re: 250 kt en CNRA ?

Message par Philippe Dejean »

Bonjour Damien
FAUVET Damien a écrit : Le concept a été repris par le département des transports Américain (photo 2) pour réaliser une étude sur un turboprop de 250 ch pour avion léger 6 places.
Le résultat de cette étude donne :
- une Cs de 0,153 g/kWh @ Mach 0,45 et 25 000 ft
- une Cs de 0,210 g/kWh @ seal level / static
Si je ne me trompe pas, 210 g/kWh, ça correspond à un rendement de 40% (un bon diesel automobile moderne)
Quant à 153 g/kWh, ça correspond à un rendement de 55% (un cycle combiné TAC + TAV au fioul léger)

Mais comme au niveau 100 la température n'est que d'une vingtaine de degrés inférieure à celle du niveau de la mer, il ne faut sûrement pas espérer mieux que 190 g/kWh.
Pour un moteur qui développerait 280 kW en croisière au FL 100, ça ferait 66 l de kérozène à l'heure pour voler à 500 km/h et donc 13,2 litres de kérozène au 100 km...
Ce n'est pas rien, mais pas trop loin du "presque rien" compte tenu de la possibilité de traverser la France de part en part en deux heures de vol !

En attendant un tel moteur, je crois que nous sommes contraints d'en rester au biplace à moteur VW...
Enfin pas celui de la coccinelle, le V8 4.2 Tdi de 350 HP :angel_not:

Bons Vols

Philippe Dejean
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Re: 250 kt en CNRA ?

Message par Philippe Dejean »

Bonjour à tous,

Avec le VW de 350 HP à 75%, le biplace au FL100 ne volerait plus à 540 km/h mais à 485 km/h... :crybaby:

La consommation serait alors de 52 litres de gazole ou de kérozène à l'heure, soit 10,7 litres au 100 km. :eyes:

En réduisant les gaz à 40%, la vitesse tomberait à 390 km/h, mais la consommation à 27,5 litres à l'heure et donc à 5,7 litres au 100 km. :bounce:
(de quoi augmenter sérieusement l'autonomie tout en restant nettement plus rapide que la moyenne des avions légers)

"La suite au prochain numéro..." :bye1:

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