Aérodynamique de la Verrière...

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Philippe Dejean
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Aérodynamique de la Verrière...

Message par Philippe Dejean »

Bonjour à tous,

Dans un précédent échange (Verrière Starplast Emeraude CP30, CP1310, CP1315), j'avais soulevé le problème de la traînée excessive de la verrière "Haute" des Emeraude "Scintex".

Je pense que ce sujet est suffisamment général pour faire l'objet d'une rubrique spécifique.

S'il est évident que plus la verrière est haute, plus il y a de la place à l'intérieur pour les pilotes et passagers de grande taille, ce qui peut se révéler indispensable puisque la taille des humains est en augmentations, il est tout aussi évident que le maitre-couple de l'avion augmente...

Si cette augmentation du maître-couple ne se traduisait que par une augmentation d'environ 1% de la surface mouillée, l'effet aérodynamique serait négligeable.

Malheureusement, ce n'est pratiquement jamais le cas :

1/ Une verrière plus haute placée sur un avion déjà dessiné se traduit par un raccordement plus ou moins (souvent moins) réussi à la ligne générale du fuselage : voir le cas de l'Emeraude.
L'apparition d'un rétrécissement plus prononcé derrière le maitre-couple le plus fort risque de créer ou d'augmenter la taille de la zone de décollement et donc d'augmenter la traînée de pression de l'avion.
Comme dans l'autre message, je ne peux que recommender la lecture de l'excellent article de Mattieu Barreau :

http://barreau.matthieu.free.fr/publica ... c-aero.pdf

La meilleure solution consiste donc à mieux dessiner la verrière et éventuellement à reprendre le dos du fuselage pour limiter les décollements.
Mais l'adjonction d'un simple turbulateur au bons endroit peut être un moyen efficace pour "recoller les filets d'air" et limiter la traînée de pression à une valeur plus acceptable.

2/ Le point le plus haut de la verrière est rarement placé (longitudinalement) au bon endroit par rapport à l'aile.
Dans les années 1930 déjà, Marcel Riffard, le père des avions Caudron préconisait que le maître-couple soit placé au bord de fuite de l'aile.
L'idée est la suivante :
Sur un avion aile basse, si le fuselage se rétrécit avant le bord de fuite de l'aile, il se crée une zone de dépression accrue dans la zone de raccordement entre l'extrados de l'aile et le flanc du fuselage, (puisque les deux laissent de plus en plus de place à l'air pour s'expanser).
Si la dépression due au profil de l'aile est utile (c'est la portance), celle due au fuselage n'a aucun intérêt en vol normal puisque les effets des deux côtés du fuselage s'annullent, alors que les trainées induites s'ajoutent !
De plus, ce surcroit de dépression est facilement la source de décollement... et de trainée de pression !

Donc, pour éviter ce cumul à la fois inutile et couteux en traînée, Marcel Riffard élargissait son fuselage de la casserolle d'hélice jusqu'au bord de fuite de l'aile, puis le rétrécissait lentement jusqu'à l'empennage.

En poursuivant sur la même idée, la concordance des pressions dues au fuselage et dues à l'aile, Mike Arnold, le créateur de l'AR5 (343,08 km/h avec un Rotax 582 de 65 HP !) et de l'AR6 a étudié la position de la verrière par rapport à l'aile : Voir figures... et l'article en Pdf !

A suivre...

Bons Vols

Philippe Dejean
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Philippe Dejean
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Re: Aérodynamique de la Verrière...

Message par Philippe Dejean »

Bonjour à tous,

La lecture du message précédent a dû faire hérisser les cheveux sur la tête de bien des amoureux des Emeraudes...

Modifier la verrière Scintex ? :crybaby:
Reculer la verrière par rapport à l'aile ? :crazyeyes:

Quelle Horreur ! :chair:

Et si on essayait, juste pour voir ?

En haut de la figure, la reproduction du profil du CP 301 C "Scintex"
En dessous, un essai en appliquant les conseils de Mike Arnold :
- recul de la verrière (point le plus haut au niveau du bord de fuite)
- dos de fuselage redessiné
- Changement de centrage lié aux pilote et passager reculés : Moteur plus gros (Continental IO-360 et hélice à pas variable d'un Cessna 172 Rocket), Réservoir plus grand mais aussi plus proche du centre de gravité
- empennage agrandi pour garder le contrôle avec un moteur un brin plus puissant (210 HP au lieu de 90)

Est-ce si moche ?
(Je lui trouverai plutôt un petit air de Dewoitine 520...)

Remarque : pour ce petit exercice, j'ai scrupuleusement gardé la verrière "haute Scintex" :angel_not:

Bons Vols

Philippe Dejean
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cp1315
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Re: Aérodynamique de la Verrière...

Message par cp1315 »

Salut Philippe

Bel exercice :lol:

Cette augmentation de puissance et de poids va se traduire par un renforcement de la cellule sans doute ?

Et tout ça avec un surcout de consommation non négligeable ?

Je préfère garder ma trainée supplémentaire, ça fait 46 ans que ça vole comme ça :lol: :lol: :lol:
Un avion Piel, sinon rien ....
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Philippe Dejean
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Re: Aérodynamique de la Verrière...

Message par Philippe Dejean »

Bonjour Laurent

Je m'attendais à des réactions... et tu as tiré le premier !

Bien sûr que monter remplacer un Continental C90-14F par un IO-360, fut-il du même constructeur ne va pas de soi.
Ensuite, plus que doubler la puissance du moteur ne va pas dans le sens de l'économie de carburant, et qu'en ces temps de pétrole de plus en plus cher, c'était de la provocation.

Mais poussons le raisonnement un peu plus loin :

Le CP301C est donné pour une vitesse de croisière maximum au niveau de la mer de 195 km/h, avec son Continental 90 CV à 75% qui consomme 19 litres d'essence à l'heure.

Cela donne un merveilleux petit avion qui consomme un tout petit peu moins de 10 litres d'essence aux 100 km pour presque 200 km/h et je comprends bien que ça suffise au bonheur des heureux pilotes d'Emeraude.

Mais si on calcule le SCx de l'avion en croisière, on trouve un bon 0,4 m² (0,414 m² avec les hypothèses que j'ai prises).

Ce chiffre, n'est pas très parlant en lui-même, mais si on calcule celui du biplace français le plus performant, le MC100, on trouve que guère plus de 0,15 m² (0,152 m² pour être précis), soit 2,72 fois moins.

Certes, l'Emeraude est plus grand que le Ban-Bi, et a donc une surface mouillée plus grande, mais si on ne tient compte que de ce facteur d'échelle, on devrait avoir un SCx d'environ 0,2 m², pas le double !


Alors si on suppose qu'en améliorant l'aérodynamique de l'Emeraude à taille égale, on atteigne un SCx de 0,25 m², quelles seraient ses performances avec le continental IO-360 de 210 HP ?

- En croisière rapide au niveau de la mer, à 75%, la vitesse serait de 306 km/h pour une consommation horaire de 42 l/h, ce qui donne 13,73 l/100 km.
- En croisière rapide au niveau 85, à 75%, la vitesse serait de 339 km/h pour une consommation horaire de 42 l/h, ce qui donne 12,38 l/100 km.
- En croisière économique au niveau 85, à 65%, la vitesse serait de 323 km/h pour une consommation horaire de 36,4 l/h, ce qui donne 11,25 l/100 km.

Bien sûr, un moteur de 210 HP consommera toujours plus qu'un moteur de 90 HP, mais on voit qu'une meilleure aérodynamique permet d'en tirer profit, et maintenir la consommation rapportée à la distance parcourue à des valeurs raisonnables, surtout si on prend en compte le gain de temps.


Mais il existe une autre approche autrement plus économique :
Remplaçons le moteur Continental IO-360 de 210 HP de notre Emeraude de course au SCx de 0,25 m² par un moteur Subaru Boxer turbo-Diesel en prise directe. (On peut noter que le refroidissement liquide permet moins de trainée de refroidissement)

Ce moteur pèserait environ le même poids que le gros continental, mais en ne développant que 120 HP à 2500 T/min, et ne consommant que 19 litres de gazole à l'heure à 75% au lieu de 42 litres de 100LL.

Les performances de notre Emeraude-Super / Turbo-Diesel seraient :

- En croisière rapide au niveau de la mer, à 75%, la vitesse serait de 254 km/h pour une consommation horaire de 19 l/h, ce qui donne 7,48 l/100 km.
- En croisière rapide au niveau 85, à 75%, la vitesse serait de 281 km/h pour une consommation horaire de 19 l/h, ce qui donne 6,75 l/100 km.
- En croisière économique au niveau 85, à 65%, la vitesse serait de 268 km/h pour une consommation horaire de 16,4 l/h, ce qui donne 6,1 l/100 km.


Bon, ce n'est qu'un calcul grossier, mais on commence à voir se dessiner quelque chose d'intéressant, non ?


Bons Vols


Philippe Dejean
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Re: Aérodynamique de la Verrière...

Message par Philippe Dejean »

Bonjour à tous,

Pour poursuivre sur l'intérêt de gagner sur la traînée en général et la traînée de verrière en particulier, voici un double tableau qui donne les performances d'un avion motorisé par un moteur 120 CV avec un rendement hélice de 80%.

Les vitesses sont indépendantes de la nature du moteur (ce pourrait être un LycomingO-235, un Jabiru 3300, ou n'importe quel autre moteur de même puissance.

Par contre, les consommations correspondent à celle d'un moteur diesel d'automobile avionné...
Et comme le Subaru Boxer D 2.0 délivre 120 HP à 2500 t/min en prise directe... :angel_not:

La caractéristique de la cellule est son SCx en croisière exprimé en m².

- 0,10 m² correspond aux meilleurs Racers F1. (Le minuscule AR5 semble même être à 0,075 m² !)
- 0,15 m² correspond au MC100 Ban-Bi de Michel Colomban.

Le CP80 est quelque part entre 0,20 et 0,25 m²

On trouve la plupart des autres avions Piel et des Jodels comme le DR400 entre 0,35 et 0,50 m²...

Bons Vols

Philippe Dejean
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Re: Aérodynamique de la Verrière...

Message par Philippe Dejean »

Bonjour à tous

Lors d'un précédent message, j'avais envisagé un Emeraude remotorisé avec un Continental IO-360 de 210 HP, et à l'aérodynamique du fuselage retravaillée...
cp1315 a écrit : Cette augmentation de puissance et de poids va se traduire par un renforcement de la cellule sans doute ?

Et tout ça avec un surcout de consommation non négligeable ?
Ed Swearingen était allé encore plus loin que cela avec son biplace SX300 de... 300 HP comme son nom le laisse entendre.
Spécialiste des charge alaires très élevées, il a réduit la surface de l'aile tout en soignant l'aérodynamique du fuselage et des interactions...
Résultat, un SCx de 0,172 m² (a comparer aux 0,306 m² du Saphir et aux 0,414 m² de l'Emeraude !)

Le petit tableau suivant montre qu'on peut voler 2 fois plus vite qu'avec l'Emeraude en consommant seulement 50% de plus d'essence sur la distance...

Mais le SX300 ne serait pas certifiable selon la FAR 23 (VS1 inférieure ou égale à 61 Kt)
Et une approche sans vent à 180-190 km/h, ça nécessite un petit peu de doigté... et une bonne piste !


Bons vols

Philippe Dejean
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Re: Aérodynamique de la Verrière...

Message par Philippe Dejean »

Bonjour à tous,

Pour compléter le sujet, j'ai refait une comparaison des performances de tous les avions biplaces évoqués, du plus puissant et plus rapide SX300, au plus économique: l'Emeraude à l'aérodynamique affinée et motorisé par un moteur Subaru 2 litres turbodiesel utilisé en prise directe et limité à 120 HP à 2500 t/min.

Le SX300 a déjà fait l'objet du message précédent, c'est le résultat d'un parti pris radical de la puissance et de la vitesse (de croisière, mais aussi d'atterrissage)... Performant, mais cher...

Le CP30-210 dont j'avais déjà parlé : l'adaptation d'un Continental IO-360 de 210 HP et hélice à pas variable sur une base (quelque peu retravaillée !) d'Emeraude. La diminution de la corde permet une diminution de la surface mouillée, sans sortir de l'épure de la FAR23 (vitesse de décrochage de 100 km/h, donc approche à 140...)
Les performances sont intermédiaire entre celles du SX300 et celle du Saphir. Cette machine est assez motorisée pour remplir le cahier des charges de décollage du CNRA...

Le CP1320 Saphir dont on peut remarquer que malgré une verrière perfectible et une masse un peu élevée, il a déjà un SCx réduit de 26% par rapport à l'Emeraude...

Le CP301 Emeraude, référence et base de cette comparaison...

Le CP30-DS (DS pour Diesel Subaru) : Un Emeraude motorisé par un moteur Subaru 2 litres turbodiesel utilisé en prise directe et limité à 120 HP à 2500 t/min.
L'aérodynamique affinée par le recul de la verrière et par le refroidissement liquide est estimée avec un SCX de 0,300 m² (pratiquement égal à celui du Saphir existant)

Malgré une masse augmentée à cause du moteur plus lourd, les performances en montée sont améliorées par la puissance supérieure (120 HP au lieu de 90).
En croisière rapide (75% de 120 HP), l'avion profite de l'augmentation de puissance et de l'amélioration aérodynamique pour croiser à 260 km/h. (La VNE doit être portée à 300 km/h pour tenir compte de la vitesse de croisière plus élevée)
Comme le moteur consomme 19 l/h de gazole dans ces conditions, la consommation ramenée à la distance est seulement de 7,3 litres pour 100 km, ce qui donne une autonomie brute de 1500 km environ.

Le CP30-DSE (E pour économique) : C'est également un Emeraude motorisé par un moteur Subaru 2 litres turbodiesel utilisé en prise directe et limité à 120 HP à 2500 t/min.
Il a la même aérodynamique affinée que le CP30-DS, mais sa VNE est maintenue à 230 km/h.

Ses performances en montée sont identiques à celles du CP30-DS.

En croisière, on maintient une vitesse identique à celle de la vitesse de croisière du CP301 de référence.
Comme le CP30-DSE profite de l'amélioration aérodynamique, la puissance moteur est réduite à seulement 40% de ses 120 HP.
Le moteur consomme 10,1 l/h de gazole dans ces conditions, ce qui donne une consommation ramenée à la distance de seulement de 4,8 litres pour 100 km. :lol:
(à comparer avec les 9 litres de 100 LL consommés par le CP301 de référence...)
Avec ses 120 litres, le CP30-DSE a une autonomie brute de 2300 km ! :bye1:

On voit là tout l'intérêt de "réduire les gaz" avec un diesel dont le rendement (contrairement au cas du moteur à essence) ne se dégrade pratiquement pas entre 100% et 40% de charge.
(Et comme c'est un moteur d'automobile, on a tout intérêt pour la fiabilité, à rapprocher son profil de charge de celui qu'il a dans son emploi originel. 48 HP, c'est à peu près sa charge dans une Subaru Forester stabilisée à 130 km/h sur autoroute...) :angel_not:

On peut remplacer le réservoir de 120 litres par un réservoir plus petit et profiter du gain de masse soit pour alléger la machine, soit pour augmenter la charge utile... :yop:

Ai-je besoin de dire que j'attends avec impatience de voir un Subaru 2.0 D ? :Jumpy:

Bons Vols

Philippe Dejean
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