Moteur aéronautique et adaptation cellule

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Philippe Dejean
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Moteur aéronautique et adaptation cellule

Message par Philippe Dejean »

Bonjour,

La plupart de nos avions sont équipés de moteurs aéronautiques en prise directe.

Cette solution est simple, éprouvée... mais elle fige un certain nombre de paramètres.
Quelles sont les conséquences de ce choix fait a priori ?

1/ Régime moteur

Quelle que soit la puissance du moteur, le régime est toujours à peu près le même : 2500 T/min en croisière.
En dehors de toute considération de garde au sol, la vitesse maximale admissible en bout de pale limite le diamètre hélice à 1,82 m environ, et donc la surface du disque (Sd) de l'hélice à 2,6 m².

2/ rapport de puissance croisière/décollage

La puissance au décollage est assimilée à la puissance nominale du moteur.
(C'est un peu abusif car ça ne tient pas compte des caractéristiques réelles de l'hélice et de l'altitude du terrain de départ, mais ce n'est pas trop loin de la réalité en général)

De part sa construction, le moteur est prévu (et optimisé en terme de rendement) pour développer en continu 75% de cette puissance nominale, du niveau du sol au FL85 environ.
La puissance de croisière "rapide" est donc calculée pour cette puissance de 75% de la puissance nominale.
(parfois, on considère aussi une puissance de croisière "économique" égale à 65% de la puissance nominale)

Pour un avion suffisament motorisé pour avoir un taux de montée confortable, ce niveau de puissance en croisière implique que l'avion vole nettement plus vite que sa vitesse de finesse maximale, et que toute variation de puissance (montage d'un moteur un peu plus ou un peu moins puissant sur la même cellule) se traduit par une variation négligeable de l'incidence et donc de SCx. Alors :
- une variation de la vitesse de croisière proportionnelle à la racine cubique de la puissance.
- une variation de l'autonomie (distance) inversement proportionnelle à la racine carrée de la puissance.

3/ trainée en croisière rapide et rendement propulsif

En croisière, la trainée est égale à :

T = 1/2 Ro SCx V²

où Ro est la densité de l'air,
SCx la surface plane perpendiculaire à l'avancement qui trainerait comme l'avion et qui ne dépend que de ses caracrétistiques géométriques,
V la vitesse de vol.

La formule générale du rendement propulsif de l'hélice (rendement d'une hélice "idéale") est

Rp = 2/ (1 + racine carrée [(Tr/Sd)/(1/2 Ro V²) + 1])

Or en vol stabilisé horizontal, la trainée T est exactement compensée par la traction (ou la poussée) Tr de l'hélice. Si on remplace Tr par l'expression de T dans la formule, on obtient :

Rp = 2/ (1 + racine carrée [(SCx/Sd) + 1])

On voit que le rendement propulsif ne dépend ni de la vitesse de vol, ni de la puissance du moteur, mais juste du rapport entre la surface du disque de l'hélice et la surface plane perpendiculaire à l'avancement qui trainerait comme l'avion !

Donc quand le coefficient SCx augmente (ajout de trainées parasites supplémentaires = antennes, rétrovisurs, capotages mal faits, etc...), la vitesse diminue à cause de l'augmentation de trainée, mais en plus, à diamètre hélice fixé, le rendement propulsif se dégrade aussi, ce qui diminue encore plus les performances.

En reprenant les SCx de croisière des avions Piel déjà calculés, on arrive à la courbe jointe :

Le résultat est bon pour le CP 80, correct pour le Saphir, acceptable pour les Béryl/Emeraude/Diamant (mais il faut soigner l'aérodynamique... Et franchement mauvais pour le CP40 Donald.

Il est à noter que ces résultats sont donnés avec une "grande" hélice de 1,82 m.
Pour peu qu'une garde au sol trop faible où qu'un moteur différent tournant plus vite impose de réduire le diamètre hélice, le rendement propulsif sera nettement dégradé...

Exemple 1 : (hypothétique)
Montage d'un moteur Jabiru de 120 HP tournant à 3400 T/min sur un CP90.
En appliquant la même limitation de vitesse en bout de pale, le diamètre tombe de 1,82 à 1,34 m.
Le rendement propulsif passe de 97,3% à 95,2%.

L'écart peut sembler faible, mais c'est déjà environ 3% de rendement de moins pour la meilleure hélice réelle possible, et ce rendement va se dégrader beaucoup plus dans les phases de vol à faible vitesse à pleine puissance. En pratique, le Jabiru de 120 HP ne sera pas sensiblement plus performant dans les phases de décollage et de montée que le Continental 90CV originel.

Exemple 2 : (Cas Réel F-PJCM et hypothétique CP20ULM)
Remplacement du VW 25 CV par un Jabiru 80 CV sur un CP20

Le diamètre de l'hélice originelle du CP20 équipé du moteur VW est de 1,35 m. Avec la trainée de refroidissement importante, ça donne un rendement propulsif en croisière assez médiocre de 0,934.

Tournant également à 3400 T/min, le jabiru est adapté à une hélice de ce diamètre, et le rendement propulsif (en croisière) n'est pas dégradé par rapport à la version originelle.
D'autre part l'augmentation de puissance est telle (+ 220%) que la vitesse de croisière augmente notablement (+47%) Ce qui implique que l'avion vole moins cabré, et donc avec un SCx un peu plus faible. D'autre part un meilleur capotage du moteur permet probablement un gain supplémentaire sur la trainée de refroidissement.
Un gain de vitesse de plus de 50% est donc probable (120 km/h -> + de 180 km/h à 75%)
Même avec un rendement propulsif assez faible et un pas d'hélice augmenté, le décollage et la montée ne posent pas de problème avec un moteur aussi puissant.

Cependant, n'y avait-il pas moyen de mieux tirer parti de la cellule du CP20?
Sans modification, cette cellule pourrait supporter une hélice beaucoup plus grande (1,85 m).
Avec ce diamètre, il faudrait que l'hélice ne dépasse pas 2450 t/min.

Un moteur Rotax 582 de 65 CV avec réducteur type E de rapport 2,62 répondrait au besoin pour une masse complète du GMP environ 15 kg inférieure à celle du GMP basé sur le Jabiru.

Dans ce cas, le capotage de ce moteur plus compact permettant de réduire le SCx de la cellule à la valeur de celui du CP90 (0,3 m²), le rendement propulsif remonterait à 0,974, soit quatre points de mieux que la version originelle.

En croisière, le rotax 582 serait un peu moins puissant (15%), mais avec la trainée de refroidissement réduite la réduction de vitesse ne devrait pas dépasser 2 à 3%. La consommation spécifique plus élevée du 2 temps devrait être compensée par la baisse de puissance nominale.

Par contre, au décollage et en montée, la traction hélice serait nettement supérieure à celle de la version Jabiru. (Poussée statique augmentée de 53% malgré la puissance plus faible)

Indépendamment de l'adaptation d'une hélice de plus grand diamètre, on peut s'interroger sur l'intérêt d'augmenter autant la puissance d'un avion conçu initialement pour voler avec 25 CV. Pour le CP20 monoplace de 270 kg au décollage, une puissance de 40 CV donnerait une charge au CV de 6,75 kg, la même que celle de l'Emeraude.

C'est bien évidemment la solution de deux temps réducté (40 et 65 CV) qui est retenue pour les projets de CP20 et CP30 ULM.

Bons Vols

Philippe Dejean
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rossi
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Message par rossi »

Bonjour,
un CP80 motorisé avec un Jabiru 3300 de 125 cv à 3300 tr/mn, ça serait comment par rapport au O200 en terme de vitesse de croisière et vitesse de montée et conso horaire ?
Merci et bonnes fêtes.
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Philippe Dejean
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CP80/Jabiru3300

Message par Philippe Dejean »

Bonjour,

Comme le CP80 est un avion assez rapide (280 km/h à 75% à 1200m selon les données du plan 3 vues), la vitesse de rotation de 3300 T/min ne serait pas un obstacle à l'adaptation hélice.

Si on suppose avec le jabiru de 125Cv un rendement hélice égal à celui d'un O-200 de 97CV, la variation d'assiète sera négligeable et la vitesse sera augmentera comme la racine cubique de la puissance, soit 304,6 km/h à 75% à 1200m.

Le gain peut sembler un peu faible, mais il faut garder à l'esprit que la vitesse max (plein gaz) passerait de 325 km/h - toujours selon les données du plan 3 vues à 353,6 km/h, alors que la VNE n'est qu'à 380 km/h.

A première vue, une adaptation Jabiru 3300 du CP80 serait tout à fait intéressante.

Bons vols et bonnnes fêtes à tous

Philippe Dejean
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