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Qui n'est pas tenté d'exploiter au mieux de ses envies ou besoins, les limites de la réglementation ?
Dans quelle mesure le fait de jouer avec ces limites est-il contraire à l'esprit même de cette réglementation ?
Cette démarche met-elle en danger la réglementation, et donc les possibilités qu'elle autorise ?
Ces trois questions se posent dans deux cas qui n'ont a priori rien à voir, mais où la solution qui évite la disparition pure et simple de la possibilité offerte pourrait être un durcissement comparable de la réglementation pour en limiter les performances.
Je suppose que vous vous demandez de quoi je parle...
Et bien des utilitaires légers (masse maximale 3500 kg) d'une part, et des ULM (masse maximale 450 kg) d'autre part.
Cas de l'utilitaire léger
En France, le permis de conduire "B" des voitures permet de conduire des utilitaires légers dont la masse maximale (PTAC pour Poids Total Autorisé en Charge) est de 3500 kg.
Assimilés à des voitures, ces utilitaires peuvent rouler jusqu'à 130 km/h sur les autoroutes et 90 km/h sur les routes. A titre de comparaison, les camions plus lourds sont limités respectivement à 90 km/h et 80 km/h.
Pour l'utilisateur occasionnel de ces utilitaires légers, l'avantage est l'accessibilité avec un simple permis de conduire de voiture, et le grand volume disponible (pour déménager par exemple).
Pour le professionnel qui possède aussi un permis poids lourd, c'est surtout un véhicule au volume utile suffisant qui est moins cher à l'usage et surtout qui permet de gagner du temps en roulant plus vite.
Tout serait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles si on ne jouait pas avec les limites d'une réglementation conçue au départ pour les voitures, les voitures commerciales "tôlées" et les petites camionnettes :
Je donnerai l'exemple de 2 jolis petits "camions", avec hayons (bien pratiques pour déménager) :
- Le premier, de volume utile 20m3, a une masse à vide de 2860 kg (avec le réservoir plein), ce qui limite la charge utile à 640 kg. En retranchant la masse du conducteur et de la personne qui aide au chargement et au déchargement, on voit que la charge dans le volume de 20 m3 ne doit pas dépasser 450 à 480 kg, ce qui est très très vite atteint lorsqu'on déménage ! (et s'il y a une jolie petite quantité de cartons de livres bien lourds, on atteint pas la limite, on "l'éparpille façon puzzle" !

- Le second est encore pire : son volume utile est de 25m3, mais sa masse à vide de 2982 kg (toujours avec le réservoir plein), ce qui limite la charge utile à 518 kg. Toujours en retranchant la masse du conducteur et de l'aide, on voit que la charge dans le volume de 25 m3 est de l'ordre de 350 kg...

Officiellement, ces deux véhicules répondent à la réglementation de l'utilitaire léger limité à 3500 kg.
Sérieusement, à part quand ils roulent à vide, quelle proportion des ces véhicules respectent la limite de 3500 kg ?
Bien sûr, les châssis et les freins peuvent supporter un peu plus, mais qu'en est-il en cas d'accident de l'assurance pour un véhicule en surcharge ?
Cas de l'ULM
Nous jouissons en France d'une réglementation ULM très intéressante basée sur la responsabilité individuelle, très différente sur ce point de celle des avions, notamment en ce qui concerne l'aptitude médicale. Cette réglementation autorise de piloter des appareils dont la masse maximale est de 450 kg.
Sachant que beaucoup d'ULM commerciaux ont une masse à vide autour de 270 kg, on voit vite qu'il est assez difficile, pour ne pas dire impossible d'emporter 2 adultes ordinaires, le plein de carburant et quelques bagages avec les 180 kg de charge utile restants...

Bien sûr la structure de ces appareils, qui sont en fait des LSA calculés pour une masse maximale de 600 kg peuvent supporter un peu plus, mais qu'en est-il en cas d'accident de l'assurance pour un véhicule en surcharge ? (Tiens, ça me rappelle quelque chose...)
Une solution pour l'utilitaire léger ?
Le cas de l’utilisateur occasionnel et celui du professionnel sont très différents.
Pour le premier, la possibilité de le conduire avec un permis voiture est primordiale, mais la vitesse est relativement secondaire. De même, la facilité de chargement (hayon) est plus importante que le volume utile : quitte éventuellement à faire deux voyages, un utilitaire de 12m3 avec hayon (avec sa charge utile supérieure

Pour le second, c’est l’écart de vitesse qui pousse à utiliser l’utilitaire léger à la place d’un petit camion (5 tonnes).
Donc une solution qui ne serait pas pénalisante (et voire même sécurisante) pour l’utilisateur occasionnel mais dissuasive pour le professionnel serait de limiter la vitesse des utilitaires légers aux mêmes valeurs que ceux des camions (90 km/h sur autoroute et 80 km/h sur route).
Une solution pour l'ULM ?
Bien qu’il semble très différent le cas de l’ULM pourrait également être traité par une limitation de performance. L’idée étant de rendre à l’ULM ses caractéristiques de vol lent et de légèreté qui justifient son cadre réglementaire particulier et rendant impossible la confusion LSA-ULM qui ne peut que se terminer par le durcissement de la réglementation ULM pour la faire converger vers celle de l’avion.
Un ULM au sens français de la réglementation ne dépasse pas 450 kg. Même avec une aérodynamique relativement médiocre ses capacités de vol lent font qu’une puissance massique de 100 W/kg est suffisante pour voler en sécurité, ce qui signifie que la puissance installée pourrait très bien être limitée à 45 kW, soit 60 HP. Pour laisser un peu de marge, on pourrait donc choisir d’abaisser la puissance maximale du moteur de 75 kW à 50 kW. Il est à noter que cette réduction de puissance pourrait se traduire à terme par une limitation proportionnelle de la masse du moteur, soit un allègement d’environ 20 kg, sans compter la réduction de la quantité de carburant associée. A cellule comparable, c’est autant de charge utile supplémentaire qui serait dégagée.

Par contre, même en réduisant la charge utile pour ne pas dépasser les 450 kg, un LSA conçu pour voler vite à une masse maximale de 600 kg aurait beaucoup de mal à rester attractif en se contentant de 50 kW. La frontière floue entre les LSA et les ULM redeviendrait nette. Les pilotes choisiraient entre deux solutions aux performances et aux contraintes différentes… Et en ne tentant pas d’avoir « le beurre et l’argent du beurre », ne risqueraient pas de perdre les deux.
Finalement,
Je me demande si la difficulté dans laquelle se débat actuellement la FFPLUM ne vient pas des finasseries entre les termes de "puissance maximale" et de "puissance maximale continue", qui ont permis de monter des moteurs de 100 HP sur les ULM au lieu des 80 HP prévus au départ.
Une fois de plus le « mieux » (plus puissant, plus rapide) est l’ennemi du « bien » (en l’occurrence, la survie du principe de l’ULM à française.)
Bien entendu, mes propos n'engagent que moi

Philippe Dejean