Bonjour à Tous,
Pascal, ta question est excellente

et je te remercie de l'avoir posée
Plus sérieusement, pour y répondre complètement, il faudrait que j'y consacre beaucoup plus de temps que je n'en ai à ma disposition... Alors je vais devoir faire court (par rapport au problème).
1/ Il est évident que des engrenages fatiguent beaucoup moins quant ils transmettent un couple constant à vitesse constante.
Mais entre le cas idéal et la réalité, il y a une jolie petite marge :
- Le couple moteur varie,
- Le couple résistant opposé par l'hélice varie, (pas exactement dans l'axe du vent relatif qui n'est pas forcément homogène)
- L'inertie cumulée des pièces en mouvement varie (pour les moteurs à pistons, pas pour le Wankel

),
- La raideur en torsion de l'arbre moteur et du vilebrequin à l'intérieur du moteur lui-même n'est pas infinie...
Tout ça se traduit par une variation permanente de la vitesse de rotation et des contraintes dans les matériaux.
La complexité du problème est telle que les solutions apportées ne sont jamais totalement efficaces, et c'est une des raisons majeures de l'abandon progressif des moteurs à pistons au profit des turbomachines en aéronautique...
(A ce titre, le moteur de Damien est bien dans le sens de l'histoire !)
2/ Quand on a un problème de vibration et/ou de RDM, les outils d'analyse du problème et des solutions sont d'abord basés sur une approche linéaire : Le modèle se compose de ressorts linéaires (F=-kX), de frottements visqueux, etc...
On sait très mal modéliser les éléments non linéaires (Effets de seuils de glissement solide, jeux d'engrenages, etc...) avec des moyens simples (à la portée de l'amateur - Chez Dassault on sait faire beaucoup de choses...)
Quand on a des éléments non linéaires, tels que des engrenages qui ont forcément un jeu, on a toujours intérêt à supprimer le problème en évitant les points de fonctionnement qui sollicitent les non-linéarités. Dans notre cas d'engrenages, si on doit se contenter d'un couple variable, on essaie tout de même de rester dans une plage de fonctionnement où il ne change pas de signe...
(C'est tout le sens de l'article joint dans le post précédent)
3/ La roue libre, c'est typiquement une "fausse bonne idée".
La roue libre transmet les couples "positifs" et laisse "glisser" l'accouplement quand le couple deviendrait négatif.
Pour les férus d'électronique c'est le même fonctionnement qu'une diode, qui dans certains montages est appelée "Diode de roue libre", justement...
Donc à première vue, c'est génial, on va pouvoir protéger les engrenages des couples "négatifs"...
Et c'est vrai

, mais au prix d'une nouvelle non-linéarité qui peut se révéler encore plus catastrophique :
Supposons que le couple moteur passe en négatif (typiquement, le piston remonte en comprimant les gaz frais.) Pour la simplicité du raisonnement, considérons un monocylindre...
a/ Libérée par la roue libre, l'hélice et le réducteur ralentissent lentement en cédant de leur énergie cinétique à l'air ambiant (j'ai supposé que la roue libre est entre le moteur et le réducteur, c'est le plus évident mais si on la place ailleurs, ça ne change pas vraiment le résultat...)
Autrement dit, le pas pratique de l'hélice se rapproche du pas de traction nulle.
b/ Découplé de l'hélice qui jouait normalement le rôle de volant, l'arbre moteur ralentit beaucoup plus vite et si l'énergie cinétique de l'embiellage est inférieure à l'énergie nécessaire à comprimer les gaz, le moteur peut caler, ou parfois, dans le cas d'un deux temps, se mettre à battre d'avant en arrière... (Jetons un voile pudique sur la fatigue de certaines pièces qui ne sont pas prévues pour ça comme les magnétos !)
c/ Supposons que notre brave moteur n'a ni calé ni changé de sens de rotation. Toujours découplé du réducteur, qui tourne plus vite, l'embiellage ré-accélère rapidement (faible inertie) au début du temps moteur...
Si l'ensemble des pièces mobiles se re-solidarisait précisément au moment ou les deux parties de la roue libre tournent à la même vitesse, tout rentrerait dans l’ordre sans trop de dégâts : Au rapport de réduction près, le couple du moteur serait instantanément réappliqué à l'hélice, mais celui-ci étant égal à celui qui aurait été transmis dans la roue libre, on pourrait espérer que ça ne se passe pas trop mal malgré la brutalité de la transition
En fait, ce ne serait déjà pas si simple car il s’agirait d'un échelon de contrainte appliqué sur le système résonnant en torsion que constitue l'ensemble de la ligne d'arbre

…
D’autre part, pour le même régime moteur, l’hélice tournerait plus vite en moyenne avec la roue libre que sans. La puissance nécessaire serait donc transmise à travers un couple accru, et celui-ci étant transmis qu’une partie du temps, il serait également accru par l’effet de l’intermittence.
(Pour les électroniciens, on se trouve dans un cas similaire à la modulation par durée d’impulsion, et aux pics de courant traversant un pont de Graetz entre une source alternative et une charge continue en parallèle avec une capacité.)
Malheureusement, la réalité est bien pire !
D'abord une roue libre ne se re-solidarise qu'après un écart angulaire qui n'est pas du tout négligeable (que ce soit un cliquet dans le cas d'un vélo ou des rouleaux dans notre cas, ça ne change pas grand chose).
Ensuite, à la fin de l'étape a/ il est fort probable que, freiné par l'huile, l'engrenage menant du réducteur ait plus ralenti que l'engrenage mené lié à l'hélice. Ce qui revient à dire qu'au moment où l'arbre moteur ré-accélère, c'est l'hélice qui fait tourner le réducteur et que c'est l'autre côté des dents des engrenages qui est en contact.
Donc, avant que l'ensemble des pièces mobiles se re-solidarise, il faut que le moteur ait rattrapé l'écart angulaire de la roue libre
plus le jeu du réducteur... Il va sans dire que pendant tout le rattrapage angulaire, le moteur dont l'inertie des faible et qui a reçu toute la pression des gaz du temps moteur, a considérablement accéléré !
Par contre, une fois que cet écart angulaire est rattrapé, la solidarisation de l’ensemble se fait sur un angle très réduit (coincement des rouleaux de la roue libre et épaisseur du film d'huile entre les dents du réducteur).
L’énergie cinétique accumulée est donc cédée à l'arbre de l'hélice sur une phase de rotation très réduite et donc sous la forme d'un à-coup de couple de très grande amplitude, qui s'ajoute au couple moteur "normal"
Toutes proportions gardées, on peut ressentir l'à-coup correspondant sur un vélo quand on reprend brutalement le pédalage. On entend très bien le choc dur faire résonner le cadre du vélo.
Dans le cas de notre moteur, c'est beaucoup plus puissant et brutal : C'est comparable à un bon coup de "Burin-Marteau" pour les dents des engrenages, et généralement, à moins d'être monstrueusement surdimensionnées, elles n'aiment pas du tout ça !
(On peut calculer que pour résister aux inversions du couple moteur, le surdimensionnement des engrenages doit être nettement plus important avec une roue libre que sans

)
4/ L'embrayage centrifuge a pas mal d'avantages… Quand il sert à quelque chose.
Dans notre cas, il ne s’agit pas de démarrer en douceur depuis l’arrêt complet (scooter) ou de lancer progressivement un équipement de très grande inertie, mais de limiter les à-coups de couple à une vitesse de rotation de croisière (où l’embrayage centrifuge est complètement collé). Autrement dit, dans notre cas, l’embrayage centrifuge n’aurait aucun intérêt.
Par contre en privant le moteur de l’inertie de l’hélice au démarrage, il nécessiterait probablement l’ajout d’un volant supplémentaire…
5/ L’idée d’utiliser un embrayage pour écrêter les pics de couple n’est pas nouvelle.
Il y a quelques décennies, le Visa-Pou, un petit monoplace de formule Mignet propulsé par un moteur de Citroën Visa avec un réducteur à courroies.
Pour les jeunes qui n’ont pas eu la chance de rouler avec cette voiture, c’était un moteur bicylindre boxer de 652 cm3 (dernier descendant du 375 cm3 de la première 2CV) avec un allumage électronique qui développait 36 HP à 5500 t/min.
Entre le moteur et la poulie menante, le constructeur avait gardé l’embrayage qu’il avait chargé par un montage avec quelques rondelles Belleville pour qu’il glisse quand le couple s’approchait de la limite que pouvait supporter la courroie.
Cela fonctionnait, mais rien ne prouve que de ne pas trop tendre la courroie pour la laisser glisser un peu, et/ou de la sur-dimensionner n’aurait pas eu le même effet pour une masse inférieure…
En CLAIR :
Le problème est naturellement complexe et toute solution « exotique » est non seulement pesante, mais extrêmement difficile à mettre au point.
Il est souvent plus efficace (du moins pour l’amateur) de garder la solution la plus simple possible, quitte à surdimensionner certaines pièces autant que de besoin pour encaisser les contraintes.
Il faut tout de même noter que, pour plusieurs raisons que je détaillerais plus tard, le moteur Wankel à une courbe de couple nettement moins catastrophique que celle d’un moteur à pistons de puissance comparable auxquels l’article fait référence…
Bons Vols
Philippe Dejean