Bonjour à tous,
Il y a quelques temps, j’ai profité d’un vol sur mon super-diamant pour essayer de mieux étalonner la consommation de mon O-360 dans des conditions prédéfinies de croisière économique.
Pour faire une mesure plus précise à l’aide de la pompe (par complément de plein), j’ai, contrairement à mon habitude, décollé sur le réservoir d’aile, puis une fois dans mes conditions de vol stabilisées, je suis passé sur le réservoir principal, en gardant un réservoir d’aile en sécurité.
En vol, première inquiétude : Au vu de la jauge, mon moteur pourtant correctement mixturé semblait consommer énormément !
Au bout d’une heure de vol stabilisé, il n’avait pas consommé une bonne trentaine de litres comme prévu, mais un petit peu plus que la moitié du réservoir principal de 80 litres. De manière tout à fait cohérente, la jauge est arrivée à zéro au bout de 50 minutes supplémentaires. J’ai basculé sur le réservoir d’aile qui contenait encore une trentaine de litres et je suis retourné me poser.
Le réservoir principal (dont la jauge indiquait zéro) n’était pas vide. Il restait même pas mal de carburant… Combien ? Plutôt que de refaire le plein comme prévu au départ, j’ai préféré vidanger le réservoir. Il a ainsi été possible de peser le carburant résiduel : 14,4 kg soit 20 litres… (Dans un réservoir vide !)
Après inspection, le flotteur de la jauge pendouille lamentablement bien au-dessus du fond du réservoir car sa tige a été raccourcie pour éviter qu’il ne se bloque bien en dessous de "plein" contre une paroi anti-ballottement.
Première conclusion : si la partie jaugée (entre plein et vide pour la jauge) représentait environ 60 litres au lieu des 80 litres, la consommation du moteur est parfaitement normale.
Deuxième conclusion : Lorsque je ferai de nouveau le plein, je connaitrai enfin la contenance exacte de mon réservoir étiqueté 80 litres…
Troisième conclusion : La jauge est outrageusement fausse !
On pourrait croire qu’avoir une réserve de 20 litres (soit un peu plus de 30 minutes à 75% de puissance) dans le réservoir principal quand la jauge arrive à zéro est plutôt sécurisant…
Sauf que lorsqu’on voit l’aiguille sur zéro, on ne sait pas depuis combien de temps elle s’y trouve, et donc de combien on a déjà entamé cette réserve de 20 litres !
A la rigueur, il faudrait une alarme sonore qui annonce cette arrivée à zéro.
Le pilote pourrait alors changer de réservoir et donc séquestrer cette réserve pour la fin du vol… Mais c’est quand même un peu tiré par les cheveux !
Cette expérience m’a ramené presque 40 ans en arrière, quand mon vieil instructeur (au tout début des années 1980) répétait « Jaugeur – Menteur ! »
Force est de constater qu’il n’avait pas vraiment tort : les indications des jauges à carburant étaient (et sont toujours, il n’y a pas de miracle) pour le moins imprécises, et au pire franchement fausses !
Une des conséquences pratiques de cette imprécision, était l'approche très conservative de la gestion carburant qu'il m'avait enseigné et qui consiste selon ses propres termes à « s’y prendre à l’envers », c'est-à-dire :
1. Déterminer la masse maximale au décollage en fonction des conditions (altitude-pression, longueur de la piste,…)
2. En fonction de la charge utile, remplir les réservoirs jusqu’à atteindre la masse déterminée au point 1, ou si cette masse ne peut être atteinte, faire les pleins complets. Le contrôle de la quantité de carburant partielle devait être fait à l’aide de piges graduées, beaucoup plus fiables que les jaugeurs de l’avion.
3. Retrancher les marges légales de la quantité de carburant présente dans les réservoirs.
4. Déterminer le plus précisément possible la distance franchissable dans la direction du vol prévu, avec la quantité de carburant embarqué une fois retranchées les marges légales, et prendre des marges complémentaires en fonction des incertitudes.
5. Si cette distance est inférieure à celle du vol prévu, prévoir une étape de ravitaillement où la même procédure est répétée.
6. En cas de réservoirs multiples, « sécher » systématiquement les réservoirs secondaires avant de finir le vol sur le réservoir principal qui contient donc la totalité du carburant restant.
Une telle approche permet de considérer d’un œil serein les indications trop souvent délirantes des jauges de carburant, ce qui revient à ne pas en tenir compte…
Mais si une telle procédure est certes sécurisante, elle comporte quelques désavantages :
• L’avion est souvent plus chargé que nécessaire, ce qui réduit d’autant ses performances en montée.
• Il est impossible de rajouter un passager ou des bagages au dernier moment, sauf à vidanger une partie du carburant, ce qui n’a rien d’aisé.
Pourtant, avec des jaugeurs précis et fiables, une gestion de carburant tout aussi sûre mais beaucoup moins pénalisante serait possible.
Dans un prochain message, je vous présenterai un principe de jaugeur de carburant précis adapté à nos petits avions…
A Bientôt, et en attendant, bons vols.
Philippe Dejean